Ils montèrent tous deux les escaliers jusqu'à une petite porte située dans un renfoncement entre deux murs étroits. Mais, lorsque Christian ouvrit la porte, Orphée découvrit un grand hall avec plusieurs bibliothèques sur les côtés. Les murs de pierres s'accordaient parfaitement avec les poutres brutes, couleurs chênes, apparentes. Un lustre diffusait une lumière tamisée. On pouvait apercevoir, au fond à droite, une ouverture qui laissait entrevoir la lumière crue du soleil.
« Tu m'avais dit que c'était petit ici ?
-Attends de voir les autres pièces, tu vas comprendre? »
Et, en effet, autant le hall d?entrée était vaste, autant la cuisine, le bureau et les chambres paraissaient exigus. Le salon était un peu plus grand. Ce dernier jouxtait une grande terrasse qui surplombait les toits à laquelle on accédait par une petite porte en bois.
Orphée s'assit, presque timidement, sur un des fauteuils en cuir noir autour d?une belle cheminée, haute et large, à l'ancienne, qui fumait encore. Une odeur de cendres et de bois flottait dans l'air et semblait ne jamais devoir en sortir.
« Qu?est-ce que tu rends ?
-Ce que tu as. Ne t'embête pas, j'aime tout?
-Je te prépare un Pilou maison alors.
-Un Pilou ?
-Tu verras. En attendant, tu peux jeter un ?il à la bibliothèque, si tu as envie. Je ne sais pas si tu aimes lire mais tu trouveras peut-être ton bonheur.
Après le départ de Christian, Orphée se leva, se dirigea vers le hall, lentement et observa les grandes étagères. Les livres semblaient relativement anciens. Les éditions brochées côtoyaient les poches. Les ouvrages, trop nombreux, dépassaient de tous côtés contrastant avec l'aspect bien net et ordonné de Christian. Celui-ci, apparemment, avait tenté d'y mettre de l?ordre en rangeant les livres sur deux rangées mais, rien à faire, les livres, trop à l?étroit, débordaient, tentaient désespéramment, sans succès, de s'échapper de ce trou à rat. La sombre bibliothèque suintait. Et, plusieurs livres, encore, attendaient leur tour sur un guéridon nappé de blanc. Orphée attrapa l'un d'eux, en haut de la pile et lut le titre : L'Identité de Milan Kundera. Puis, un suivant, Crimes et châtiments de Dostoïevski. Ces ouvrages, il en avait entendus parler mais n?avait malheureusement jamais pris le temps de les lire. Oui, malheureusement car aujourd?hui, il aurait bien voulu savoir ce qui se cachait derrière Christian, cet homme qui paraissait si perdu et, dans un même temps, si déterminé?
Orphée n?avait pas eu le temps de lire les cinq premières pages de ce dernier ouvrage quand Christian revint, une vieille cafetière fumante dans une main et deux petites tasses en gré dans l?autre.
« Elle te plait, ma bibliothèque ?
-Elle n?a pas l?air aussi ordonné que tu sembles l'être mais, apparemment, il y'a des livres intéressants, tu as bon goût.
-N?est-ce pas ? Mais ne te fis pas au désordre : il n'est qu'apparent?Et toi, tu lis quoi ?
-Des romans surtout, quelques essais, parfois, sur la littérature.
-Et à part les livres, tu n'as pas autre chose, une passion, des désirs ?
-Mais il y'a tout ça dans les livres !
-C'est juste, c'est juste, ajouta Christian, pensif. »