J plus quatre mois. Quatre mois que j’ai commencé à enregistrer des avis d’obsèques, enregistrer des plaintes, enregistrer des pleurs. J’ai l’impression d’être dans Secret Story, version Vraie Vie. A mes débuts, je haïssais ce travail. Quand est-il aujourd’hui après trois mois de bons et loyaux services ? Non, je ne le hais plus… J’ai découvert des collègues formidables avec qui je m’amuse et me dispute gentiment. Dans l’histoire, j’ai gagné vingt ans : je me surprends à expliquer à mon fils que ma cops, c’est un peu comme la sienne, elle est très pénible mais on s’y fait. « T’inquiètes, il y’en a toujours des comme ça, qui veulent faire la loi dans la cour ! » Un vrai bain de jouvence ! Il y’ a aussi les professionnels avec lesquels nous travaillons. Aussi professionnels que nous : « Monsieur Trocon, c’est sûr, un nom comme celui-là, on le retient…Pffff ! » Bref, je m’amuse comme l’adolescente d’il y’a déjà quelques années. J’ai retrouvé une seconde jeunesse. Et puis, mes chefs, aussi adorables les uns que les autres, indulgents, qui font semblants de ne pas voir ou s’énervent – il faut bien préserver les apparences : c’est qui le chef ? Hein ? Enfin, quoi!! - pour nous dire que, quand même, ce sont eux les chefs ! C’est pas parce que ils sont en réunions ou en vacances qu’ils ne sont pas là. ! Ah le don d’ubiquité des chefs, tout de même ! Tout un poème…
Reste, les cons, les vrais, les purs, les durs. Mais le charme opère encore : On se surprend à s’imaginer avec notre fils dans GTA. Et vas-y que je te lui règle son compte à celui-là ! Regarde, il est à côté de ta prof d’anglais ! Il est avec elle !
Et dans un ultime sursaut : Non, c’est pas bien ! Laisse-le…
De toute façon, il va marcher sur une mine !! aha !
Bon, c’est pas bien, certes… Mais quand on vous demande le remboursement plus une remise sur le dos du défunt dont personne ne se souvient du nom, et dont tout le monde se fout éperdument… Ben, ça donne un petit peu envie quand même. Aha !
Il faut tenir, coûte que coûte. Chaque jour… Et certains sont plus longs que d’autres, émaillés d’abrutis en tous genre… Mais, aujourd’hui, même si chaque jour, dans la voiture, je me demande ce qui va me tomber sur la figure, je me suis attachée à la vie de bureau et, surtout, à tous mes collègues, aussi pénibles soient-ils parfois. Je les apprécie pour leurs qualités mais aussi pour leurs défauts. Et, aujourd’hui, une chose est sûre, je n’ai plus envie de les quitter…
Ainsi va la vie…